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GRADIENT XC 22 Championne du monde catégorie poids plume. Un peu de bla-bla avant d’aborder l’essai lui-même puisque l’aile n’est pas anodine. Une voie pour l’avenir. J’ai parfois l’impression de faire partie des pithécanthropes mais je reste quelqu’un de formidablement intéressé par la performance des ailes et par les ailes perfo. Le parapente a évolué vers des engins toujours plus faciles, stables et de moins en moins impressionnants en turbulence, sans cesse plus aisés à faire décoller et à poser même en cas d’erreur de régime de vol et c’est bien évidemment tant mieux. Mais la population volante a elle aussi évolué et se trouve maintenant aussi constituée d’une bonne partie de très vieux pilotes réguliers. Ils ont engrangé une grosse expérience en volant leur centaine d’heures par an depuis bien longtemps et ont accès à tout type de machine en fonction des emmerdements qu’ils ont envie d’assumer au quotidien de leurs vols. Le discours sur la sécurité leur a profité et leur a permis de se bonifier en vieillissant, tout en évitant les gros ennuis. Ils n’ont en général pas envie de piloter des ailes de compétition surtout pour des questions de confort psychologique et de fatigue physique mais ils se retrouvent souvent un peu frustrés même avec des machines de haut de gamme qui plafonnent depuis des années aux mêmes vitesses, tous les autres compartiments du jeu progressant par ailleurs… Pour ceux-là essentiellement, il est temps que les vitesses utilisables en parapente augmentent. C’est ce qui se dessine doucement avec de plus en plus d’ailes qui décollent des traditionnels 36 km/h bras hauts et la XC 22, avec sa petite surface, est l’avant-garde d’une génération de chiffons qui viennent mordre dans le domaine de vol du delta. En vol justement. J’ai préféré le décollage de la 22 à celui de la 24. Est-ce une question de rapport entre le gabarit du pilote et la surface de l’aile, ou de suspentage plus court ? Toujours est-il que sans vent ou en brise faible l’aile est immédiatement présente aux avants pour une montée rapide et régulière, sans accélération intempestive. Ne regardez pas passer l’aile sans rien faire sinon elle ira loin. Ne cherchez pas non plus à décoller debout sur les freins et trop lentement sinon la prise de vitesse qui s’en suivra vous fera raser la pente un bon moment. Courez ! Que ce soit chargée à 73 kg, à 80 kg tout en haut de fourchette ou surchargée à 85 kg, la XC 22 est remuante. On est loin de la tendance « inerte » de beaucoup d’ailes modernes un peu aseptisées. Et surtout ça bouge plus que la 24 chargée en milieu de fourchette. Il ne s’agit pas de mouvements de grande amplitude et on ne se sent jamais dépassé par les événements. Mais on retrouve un petit déficit en stabilité de route qui fait penser à l’Aspen 1. Personnellement elle me rappelle furieusement l’Avax RS. Dans les bons cisaillements de ce début d’année j’ai ressenti le besoin de resserrer la ventrale à 40 cm. On peut en effet prendre quelques droite-gauche un peu secs à la sellette quand ça cartonne, plus marqués que sur la 24 qui dans les mêmes conditions amortit immédiatement les sensations aux fesses. Que ce soit en roulis ou en tangage, on a des départs de mouvement plus rapides avec la 22 mais des amplitudes moindres en tangage (sûrement l’effet du suspentage plus court qui ramène le pilote plus rapidement dessous). On gagnera pour la perf à piloter ce tangage de façon plus dosée et subtile qu’avec la 24 car les accélérations qui y sont liées sont très importantes (sur ce genre de mouvement j’ai pu voir mon badin passer les 48 km/h…) avec fatalement quelques mètres de pénalisation en altitude au moment où ça se produit. Gommer ce tangage permet de conserver à l’aile une trajectoire plus tendue ; c’est valable en sortie de thermique comme durant les transitions. Les fortes turbulences peuvent induire de bonnes pertes de portance voile ouverte qui sont là aussi bien ressenties. Sur 22 m2 lorsqu’une demi-aile porte moins, cela peut induire d’importants déséquilibres à la sellette avec nécessité de se rééquilibrer activement. Si vous laissez faire, ça peut donner une trajectoire zigzaguante avec balancements et toujours accélérations diverses. En bordure des thermiques brutaux et désordonnés que l’on centre mal, la XC 22 peut en rajouter franchement en lacet : relever les mains, se replacer dans la sellette. J’ai constaté que c’est un bon indicateur de conditions irrégulières et assez fortes puisqu’on ne retrouve jamais ce comportement en aérologies sereines. Ici le lecteur peu attentif commence à se faire du souci à propos de l’engin. Précisons donc que c’est injustifié. Ca bouge, et plus que les autres tailles, oui mais… En fournissant un minimum de pilotage l’aile ne s’emballe jamais et il est très facile d’en garder le contrôle, même quand ça chauffe. On peut lui faire confiance et lui laisser faire beaucoup d’auto-pilotage quand on n’est pas sur de son placement dans la masse d’air. Elle, elle sait et vous fait profiter de sa tendance naturelle à recentrer. On a un engin réellement solide en turbulences et quand on va à la fermeture, c’est du style Gradient : ça ne casse pas net d’un coup, ça froisse progressivement. Si vous descendez la main en même temps, ça rouvre dans la foulée et en douceur ; la remise en état de l’aile n’entraîne pas de retour brutal de la portance ni de secousses dans la trajectoire. En plus de 6 h de vol en thermiques variés je n’ai eu qu’une fermeture, et telle que je vous la décris. Comme souvent d’ailleurs en thermique, on constate qu’on est moins secoué par une petite fermeture que par une aile qui reste obstinément entière dans la turbulence. Vous trouverez très nettement deux régimes de vol possibles en ascendances : proche de bras hauts avec des vitesses sur trajectoires comprises entre 40 et 43 km/h et mains bien plus basses entre 30 et 36 km/h. Dans les deux cas, de manière bluffante, la manoeuvrabilité/maniabilité est totale, pas la peine de se poser de questions. En plus, l’effort à la commande est bien dosé, toujours informatif et jamais fatigant. Voler lent est donc possible même en haut de fourchette et même 5 kg audessus mais ne sert pas forcément à ce qu’on croit. On pense aller y chercher un hypothétique taux de chute mini alors qu’on verra lors des mesures qu’on n’y trouve qu’un moyen de rester plus longtemps dans un thermique pas facile… J’ai eu l’heureuse confirmation de ce que je cherchais à savoir : la XC 22 même surchargée ne craint pas les conditions faibles ; elle peut voler lent trims au neutre et garder de bonnes perfs. J’ai pu m’étalonner en taux de montée par rapport à plusieurs pilotes et différentes machines du moment. Lorsqu’il s’agit de moyenner dans de l’irrégulier, l’aile se comporte comme les autres (et accessoirement accepte de voler à leur vitesse) et reste à leur niveau. Que passe la moindre accélération (verticale), le moindre noyau et la voile se détache irrésistiblement (à pilotage égal), laisse tout le monde sur place et monte toujours 30 m plus haut. C’est parti pour la solitude car quand on vole à 40- 41 km/h bras hauts, il n’y a pas grand monde qui puisse vous suivre sur site. Vous arrivez toujours premier et plus haut, avec donc plus de facilité à refaire les plafonds, plus vite, et vous ne revoyez plus personne. Avec une « petite » surface bien chargée, je me posais aussi des questions sur les 360. Eh bien, c’est la même que la 24. Très facile à doser, aucune amorce de neutralité spirale pour les valeurs testées (10-12 m/s) et sortie totalement anodine, même pas aérienne si on recherche la progressivité. On sort très facilement sans le moindre tangage ni roulis. Question chiffres : On se retrouve avec une aile intrinsèquement un poil plus rapide que la 24 avec un rendement en perf globale un peu plus difficile à obtenir. Nous avons vu qu’il faut un peu plus soigner le tangage pour avoir la même prestation. La 22 semble rester dans les mêmes valeurs que la 24 jusqu’à 45 km/h (pour autant qu’on puisse en juger à quelques mois d’intervalle). Ensuite, je pense que les trajectoires de la 22 plongent plus. Tout en haut de fourchette ma vitesse n’arrivait pas à se décider entre 40 et 41 km/h, j’ai donc compté 40 pour les calculs afin d’avoir un chiffrage de la perf suffisamment réaliste. Donc, XC 22 chargée à 80 kg ptv, trims au neutre, valeurs mesurées entre 1500 et 700 m d’altitude, température 12° : Bras hauts 40 km/h et 9,61 de finesse Taux de chute mini –1,1 à 32 km/h pour 8,02 de finesse Premier barreau 8,01 à 50 km/h 7,9 à 58 km/h Bras hauts trims serrés à fond : 38 km/h et 9,18 de finesse. Décrochage à 25 km/h sans passer par une zone de mauvais taux de chute. Quelques remarques : Ils n’ont pas calé la 22 plus lente que les autres tailles ! Je n’ai pas eu le temps de refaire la mesure à 58 km/h qui me paraît étrangement bonne, donc à vérifier, peut-être par vos soins… Une fois de plus je n’avais pas assez de longueur de jambes pour pousser à fond l’accélérateur qui est horriblement dur (simple mouflage). A 58 il me manquait 5 cm sur les élévateurs ; tout ça passerait donc allègrement les 60 km/h ! Les taux de chute sont étonnamment constants entre 27 et 40 km/h, de 1,2 à 1,15 m/s en passant par 1,1. Inutile donc de monter sur les freins en y cherchant la meilleure Vz possible. Un petit mot du décrochage. Je cherchais à voir si la 22 tenait le 24 km/h comme la taille au-dessus. La réponse est non…A partir de 27 km/h on sent nettement l’aile se dandiner. Il faut un effort conséquent à la commande pour continuer à ralentir et stabiliser à 25 ; on y reste quelques secondes puis l’aile vous signale par une secousse qu’elle tombe derrière. Immédiatement relâchée (décrochage non maintenu) en souplesse, l’aile abat très légèrement, de façon bien symétrique pour une remise en vol instantanée avec une prise de vitesse décoiffante. Au moment du décrochage, commandes prises à la drisse entre le pouce et l’index on est entre la planchette de la sellette et les hanches du pilote. A prendre en compte lors des reposes au sommet difficiles ou les terrains exigus; préférer l’utilisation de la mania plutôt que d’essayer à tout prix d’arrêter l’aile dans la masse d’air. Que ce soit le vol en thermique ou les phases de mesure, tout confirme sur cette aile non-homologuée une conception parfaitement maîtrisée et une base totalement saine. Il n’y a aucun souci de comportement jusqu’à 27 km/h, ce qui est quand même très tolérant vu le positionnement de l’engin. On pourra voler sans la moindre arrièrepensée même en haut de fourchette. Evidemment, une grosse asymétrique accélérée à 62 km/h… ! Du style : Vous en avez marre des ailes trop stables, pas très rapides et lentes à réaccélérer. Vous voulez pouvoir remonter les brises pour réaliser des circuits fermés. Vous êtes un pilote léger qui veut la vitesse et la perf. Vous êtes prêt à ne pas vous laisser impressionner par les mouvements qui y sont associés… Je connais une petite puncheuse qui conçoit le vol comme on aime la boxe : tout en technique, souplesse, déplacements et enchaînements. Toujours en mouvement, avec une bonne garde qui la préserve des coups de l’aérologie elle sait encaisser et utilise sa vivacité pour monter et filer. Elle est déjà loin alors qu’on l’attendait encore ici, frappe fort en transition et fait très mal en vitesse. C’est une Lady-boxeuse la XC 22 et les petits poids volants peuvent enfin monter sur le ring… Vincent Busquet.