Gradient Avax XC 24
Elle s’appelle Avax XC ce qui fait doublon avec l’Avax RSF, aile compétition
du même constructeur. Au moins ça lui évite d’être commercialisée sous le nom
ridicule de « Nevada » si elle avait été homologuée. Pour lever toute ambiguïté, on
se contentera de la nommer « XC » et tout le monde sera content.
Gradient ne voulait plus toucher à rien pour réussir le passage en catégorie DHV 2-3
et à plutôt choisi la difficile démarche de la vendre non homologuée avec seulement
les tests en charge, que de la brider. Disons-le immédiatement, c’était en effet la
seule chose à faire car l’aile est parfaite, ou presque !
Commençons donc par les choses qui fâchent puisque une fois le paragraphe
épuisé, le reste ne sera plus qu’un concert de louanges. Il s’agit malgré tout d’une
aile grand public (je n’ai pas dit « tout public ») et le suspentage est entièrement
aramide non-gainé : à vous les clés qui se serrent, les branchouilles dans le
suspentage et autres amusements variés… Non ce qu’il faut c’est les suspentes
basses gainées et les parties hautes en polyéthylène non-gainé ; ce serait d’ailleurs
prévu en option… En vol les freins toronnent à tout va, il faudrait absolument un
émerillon d’origine intégré à la poignée. Et tant qu’on y est des poignées plus jolies
que les actuelles qui sont très laides, et des élévateurs en sangle fine et rigide, et
des pressions magnétiques qui tiennent plutôt que des pressions mécaniques qui
cassent, et des petites pièces plastique pour occulter les maillons plutôt que des
joints toriques qui cuisent, et des trims plus petits, et au moins que le neutre soit
repéré. Bref il est largement temps de changer tout l’accastillage… Enfin
l’accélérateur à simple mouflage est hyper-dur, quasiment inutilisable pour les petits
poids et les D flottants entraînés par le poids des poignées tombent
systématiquement dans le suspentage lors de la préparation sur les décollages.
Grr…
Le compte-rendu qui suit concerne la XC 24 chargée à 86 kg ptv (donc milieu de
fourchette 75-95) et trims au neutre (reste 3 cm pour ralentir). A ce niveau d’aile et de
performance, cette précision est essentielle.
Le décollage vent
absolument nul reste facile bien qu’un peu déconcertant. Départen marchant suspentes tendues, les deux premiers pas ne délivrent aucune
sensation, pas la moindre tension dans les avants. On insiste car on y croit et au
troisième pas l’aile surgit au-dessus de la tête, il est temps de planter les freins car
on a été un peu surpris Un quatrième pas pour accélérer franchement et on ne
retouche jamais le cinquième car on est en l’air… Montée de l’aile donc très rapide et
peu informative, une tendance à dépasser bien présente mais qui cherche tout de
même à se calmer seule. J’ai souvent été en retard sur mes temporisations mais je
n’ai jamais eu à subir de frontale pour autant. Une gestuelle à bien caler mais simple
à produire.
Dans la brise ou le vent, l’aile se met en forme facilement et monte toujours très vite.
Il faut anticiper la temporisation mais heureusement les profils délivrent leur
puissance de manière feutrée et progressive et la voile n’arrache étonnamment pas,
même sur des freinages sauvages. En plus, malgré cette montée rapide, on ne se
retrouve tout de même pas avec la voilure qui file devant sans pouvoir rien faire.
Pour ceux qui connaissent, l’élévation me semble presque plus rapide qu’avec une
Aspen mais avec une tendance à dépasser plus faible ! Curieux… Les corrections
brutales sont bien acceptées, que ce soit profil bien alimenté dans le vent ou à des
vitesses quasi-nulles.
Au final, pour un pilote de la catégorie, un décollage facile à gérer en toute
circonstance après un peu de pratique.
J’avais découvert l’engin lors d’un premier vol en conditions thermiques « très
franches » et à 81 kg ptv. J’avais d’entrée été impressionné par les perfs et la mania
mais je me faisais vraiment trimballer en l’air et j’ai ensuite ajouté 5 kg de lest. Je
suis catégorique, sauf goût particulier, ne prenez une XC que si vous pouvez vous
situer dans la deuxième moitié de la fourchette de poids.
C’est une aile dont la séduction agit immédiatement mais qui délivre un plaisir de
plus en plus intense au fil des vols car elle a une véritable personnalité. Il faut le
temps de la découvrir et plus on vole avec, plus elle donne envie de voler.
Ca file bras hauts avec des impressions de vent relatif qui rappellent un petit biplace
bien chargé. Là aussi de manière curieuse, nous avons plus de stabilité de route que
sur une Aspen et en turbulences aile à plat quasiment jamais de lacet et pas de
secousses en roulis. Nouvel étonnement, la stabilité étant à la hausse sur ces deux
axes, la mania n’en est pas grevée pour autant. On note une garde, nécessaire, de
10 cm avant de véritablement induire une tension au niveau du bord de fuite ; le
réglage d’origine semble très bien étudié. Le virage s’initie à la demande, sur des
débattements de l’ordre de 15 cm, sans contorsions, tout de suite idéalement
homogène et coordonné. Il se conduit de manière autonome avec juste un
accompagnement sellette sans jamais s’amortir spontanément. L’aile accélère toute
seule sur une trajectoire plus « calée » que traditionnellement chez Gradient.
Resserrer, élargir, main intérieure ou extérieure, inverser, tout fonctionne
instantanément, à la commande prioritairement. Il arrive parfois sur un mauvais
recentrage du thermique que l’aile passant sur la bordure en rajoute de manière
sensible en lacet, demandant une légère remontée des mains. Tout se passe de
manière douce et calme. L’aile est « sport », c’est certain, mais jamais
impressionnante. Elle ne tape pas en turbulences et ne vous entraîne jamais dans de
grands mouvements incontrôlés. On la sent plus fragile qu’une Oméga 6, demandant
un peu plus de pilotage, mais elle vous laisse toujours décontracté là où d’autres
vous crispent. Sur une sellette plutôt amortie comme ma Progress, la XC permet de
voler sans y penser ventrale à 44 cm tellement c’est une impression de calme qui
prédomine. Aller plus loin ne sert vraiment à rien et sera à réserver aux voltigeurs. En
prés de 15h de vols jamais calmes sauf pour les mesures, je n’ai vécu qu’un
froissement de stabilo. La voile prévient parfaitement des asymétriques par un
ramollissement très net du côté concerné et une tendance à l’affaissement : si vous
descendez la main, il ne se passe rien de plus et vous n’avez rien à gérer.
C’est sur l’axe du tangage que vous la surveillerez. La propension à réagir par des
frontales existe et j’ai le sentiment d’en avoir empêché plusieurs. Dans le thermique
soufflé abordé côté sous le vent dans la zone pas cool, on sent nettement la bascule
avant du profil. Là il faut la retenir. Quand ça remue sérieux, on perçoit très bien dans
les commandes les turbulences qui passent sur l’extrados en donnant la sensation
de le creuser. Le tissu fait du bruit mais on ne constate rien de plus…L’aile est très
amortie à cabrer mais peu à piquer sur les premiers degrés et il est nécessaire si on
veut rester loin des soucis de fournir le pilotage demandé. Il est certain que négliger
totalement les infos transmises en tangage conduira à la sanction en frontale.
Heureusement, la précision et l’efficacité des freins permettent d’en mettre le
minimum pour le résultat recherché.
Les prises de vitesse sont toujours réjouissantes. Ca veut toujours accélérer, la
réaction de l’aile est systématiquement d’aller de l’avant : la meilleure défense c’est
l’attaque ! Bras hauts dans les turbulences il est extrêmement rare de voir la
vitesse/air descendre à 36 km/h et l’on constate par contre fréquemment des
accélérations à 41-44 km/h. Lors d’un poser au sommet, sous le vent du thermique
qui m’a monté et qui déclenche devant, mains basses dans les turbulences, on sent
bien les moments ou la demi-aile voudrait partir en arrière et la moindre remontée
des mains lui fait instantanément remordre la masse d’air ; on n’a jamais l’impression
de risquer le décrochage massif. Un autre posé délicat « sur les freins » dans un tout
petit terrain bordé d’une route m’a confirmé les capacités de l’aile à accepter les
basses vitesses pour lesquelles elle n’a pourtant pas été conçue. De la position
mains aux épaules pour thermiquer, dans la zone des 34 km/h, remonter les mains
en butée conduit à une accélération instantanée à 45 km/h à la sonde de vitesse
avant de stabiliser à 39-40. Trop freinée (30 km/h et moins, mains aux mousquetons
de sellette) dans une aérologie turbulente, la XC perd de sa stabilité générale sans
pour autant se désunir mais demande plus de vitesse pour retrouver le confort qu’elle
sait délivrer. Les valeurs de taux de chute étant excellentes, avec la mania qu’on
vient de voir, c’est une arme en thermique ! D’autant plus que sa facilité permet de se
concentrer sur l’efficacité avant tout. Ensuite, étant donné les valeurs de vitesses
c’est aussi une arme pour se déplacer ! Elle élargit carrément le domaine de vol et
vous donne l’impression d’être meilleur pilote…
Les efforts à la commande étant très contenus, à peine plus élevés que sur une
Aspen, elle ne vous fatigue pas non plus. C’est le plaisir du vol et du pilotage qui
peut pleinement s’exprimer.
Avec toutes ces qualités, poser l’engin sur un terrain qui déclenche en milieu de
journée peut commencer à poser problème. La moindre bullette vous remonte et
vous donne trop d’allonge, la moindre brise sur une petite haie d’arbres vous tient en
l’air, virer dans du zéro en approche vous empêche de descendre. Mais la mania
vous permet de tricoter près du sol et au pire la XC se montre étonnamment
tolérante aux basses vitesses, y compris dans du gradient.
Cette belle est une bête et on va de surprise en surprise. La descente en 360
engagés est d’une facilité déconcertante. La centrifugation peut se faire
progressivement tout en démarrant dès le premier demi-tour, s’obtenir à volonté
même en atmosphère turbulente et l’inclinaison se règle au doigt et à l’oeil avec une
aile qui vous laisse toujours décider ; et surtout la sortie est incroyablement facile,
calme et douce. A –12m/s, vous pouvez dissiper l’énergie sur un demi-tour et sortir
sans la moindre abattée ni mouvement de roulis !
La XC c’est les profils de la RSF au centre et des profils plus calmes en bout d’aile ;
eh bien, c’est réussi. Ces bouts d’ailes incroyablement sages donnent un virage au
top et confèrent au centre une tranquillité sans pareil. Ayant précédemment essayé
la RSF 24 à la même charge, je peux vous dire que
pour le pilote non compétiteur laplus efficace des deux en vol c’est la XC !
En bon gourmet j’ai gardé le meilleur pour la fin, voici les mesures. Attention ça
décoiffe car les vitesses sont prises seulement entre 1050 et 650 m :
Vitesse bras hauts
39 km/h avec sa finesse max. de 9,80 !8,95 à 34 km/h
9,15 à 47 km/h, valeur des plus intéressantes pour voyager…
Taux de chute mini 1 m/s à 32 km/h.
Accéléré premier barreau 48 et second (alors qu’il me manque 4 cm à tirer pour être
à fond) 58 km/h.
Les trims utilisés pour accélérer sont idiots : ils ne donnent que 3 km/h
supplémentaires et en plus dégradent la finesse (9 à 42 km/h).
Je n’ai pas fait de mesures trims serrés à fond (marre de me lever à 6h du mat’ !). Ce
serait peut-être intéressant avec d’éventuelles surprises en taux de chute mini ou en
finesse. Mais je n’y crois guère, la machine semblant marcher à la perfection au
neutre.
Très ralentie (toujours réglée au neutre) la XC peut voler à 24 km/h (mains près des
hanches avec prise de commande classique), vitesse où elle se dandine légèrement
mais qu’elle peut tenir indéfiniment. A cette allure le volet de freinage n’est pas très
important et on sent qu’on peut encore en rajouter un peu bien qu’il ne faille rien
exagérer.
Je pense qu’on ne devrait pas trouver le décrochage avant 22 km/h, cequi est encore une surprise.
Les oreilles essayées en atmosphère thermique de fin d’après-midi ne donnent pas
de variation véritablement notable de taux de chute ni de vitesse/air. La manoeuvre
est inutile pour descendre. Elles tiennent bien évidemment fermées seules mais
rouvrent très franchement à la commande. Une unique oreille fermée laisse l’aile
voler imperturbablement droit.
Pour qui la XC ? Pour le vieux briscard qui a plus de 10 ans de vols derrière lui, aussi
pour le jeune loup qui vient de passer 2 ans sous Aspen et pour le connaisseur dont
le plaisir passe par le pilotage de véritables machines à voler.
Avec des solutions simples et classiques un peu à contre-courant de la mode
(allongement contenu pour la catégorie, voûte raisonnable, profils apparemment pas
exagérément épais), Gradient obtient perf, facilité et plaisir. Je pense que ça tient à
la qualité des profils utilisés et à leur mise en oeuvre talentueuse. Le cocktail est en
tout cas incroyablement savoureux. Mieux que ça ! J’ai eu l’impression de franchir un
saut qualitatif dans le parapente avec ce qui lui manque jusqu’à présent en aile noncompétition
: de la véritable vitesse pour se déplacer. Ca nous laisse augurer pour
l’avenir, car les autres constructeurs suivront, l’entrée dans une autre dimension du
vol en parapente avec des ailes réglées sur des vitesses à la hausse. Les sites vont
se mettre à rétrécir !
Si vous aimez spiraler à l’infini et faire défiler du paysage elle est faite pour vous.
Elle a failli s’appeler Nevada mais son vrai nom c’est XC,… pour Cross Country.